LA JUSTICE N’EST-ELLE QU’UNE MYSTIFICATION ?

ZOLA J'ACCUSELA JUSTICE N’EST-ELLE QU’UNE MYSTIFICATION ?

INTRODUCTION

Se poser cette question revient à se demander si la justice a une réalité, ou si ce n’est qu’un Idéal inaccessible, uniquement un beau mot pour de pompeux discours politiques. Au premier abord, quand on regarde la réalité à un niveau mondial, on remarque, en effet, plus la présence de l’injustice que celle de la Justice.

La Justice est une notion intrinsèquement liée à celle de droit. Le droit a pour but de « mettre l’homme dans le bon sens » ; le droit est un ensemble de règles ayant pour finalité l’établissement de la Justice. Le droit est le moyen théorique pour établir la Justice, on peut dire que la politique en est le moyen pratique. Pour arriver à l’établissement de la Justice, il faut ces moyens tels que le droit et la politique.

Mais qu’est-ce qui pourrait donc nous faire douter de l’existence de la Justice ? La Justice, étant comme on le verra, la « vertu sociale » par excellence.

PREMIERE PARTIE : LA JUSTICE EST UNE GAGEURE.

Premier argument : Si la Justice existait réellement, de pays à pays, on retrouverait les mêmes lois, le même droit.

Or, le droit est relatif à la société qui le crée. C’est ce que remarque Pascal dans sa section 5 des Pensées. Ce qui déconcerte Pascal, c’est que la justice est un Absolu ; donc elle devrait donner des règles universelles ; or les lois sont relatives, changeantes de pays à pays. Et la relativité des lois humaines montre que la Justice est absente du règne humain. Ainsi Pascal déclare : « On ne voit rien de juste ou d’injuste qui ne change de qualités en changeant de climats ». L’homme ignore donc la Justice dans son droit : « Le droit a ses époques » nous dit Pascal, ou encore c’est la fameuse exclamation : « Plaisante Justice qu’une rivière borne ! Vérité au-deçà des Pyrénées ; erreur au-delà ». Et si les lois sont si différentes de pays à pays ; c’est que ce n’est pas l’idéal de la Justice qui les a inspirés, mais le hasard et le caprice des hommes. Le droit est si peu soucieux de Justice, que la Loi a même clairement dans certains cas prôné l’injuste. Ainsi Pascal écrit : « Le larcin, l’inceste, le meurtre des enfants et des pères, tout a eu sa place entre les actions vertueuses ». A la base de notre prétendue Justice, on trouve donc surtout l’influence de la coutume : «  La coutume fait toute l’équité par cette seule raison qu’elle est reçue » remarque encore Pascal. Et la loi juste aura d’autant plus du mal à s’établir que la coutume s’exerce depuis des siècles, voire plus.

Deuxième argument : La Justice humaine est limitée, car même avec les meilleures intentions du monde, les législateurs ont la nécessité d’avoir recours à l’arbitraire et à la coutume.

C’est encore le philosophe Pascal qui a mis en relief ceci, en prenant l’exemple de la loi qui fait que l’on prend pour gouverner le fils aîné d’un roi. Prendre le fils aîné d’un roi pour monarque, n’est pas juste en soi, car ce n’est pas forcément lui le fils le plus compétent, le plus apte à l’exercice du pouvoir. Cependant, argumente Pascal, si on disait, c’est au fils le plus habile, au plus vertueux de gouverner ; tous les potentiels héritiers du trône prétendraient au pouvoir, chacun se dirait le plus à même d’exercer la charge de souverain. Par contre, être l’aîné est une qualité incontestable ; cela est net et évite les disputes et les risques de guerre civile lors des passations de pouvoir.

Ainsi conclut Pascal, à cause du dérèglement des hommes, les choses les plus déraisonnables (comme le droit d’aînesse) deviennent les plus « raisonnables », du moins les plus recommandables. La coutume du droit d’aînesse permet ainsi d’éviter d’incessants désordres, car comme le dit Pascal : « Le peuple regarde les lois comme justes à cause de leur antiquité ». Or, si l’Humanité est si déraisonnable, comment pourrait-elle instaurer le règne de la Justice ?!

Troisième argument : La Justice est une mystification, car il y a la nécessité d’en passer par la contrainte pour que les hommes se conduisent correctement en société.

Pour voir ceci, référons nous au mythe de l’anneau de Gygès dans la République de Platon. Gygès, un berger trouve dans une crevasse du sol générée par un séisme un anneau qui s’avère magique, en tournant l’anneau dans un certain sens, Gygès a le pouvoir de se rendre invisible. Profitant de ce pouvoir magique, « Gygès fit en sorte d’être au nombre des messagers qui se rendaient auprès du roi. Arrivé au palais, il séduisit la reine, complota avec elle la mort du roi, le tua, et obtint ainsi le pouvoir ».  Puis Platon dit que quiconque possédant cet anneau, ne pourrait résister à abuser de son pouvoir, puisqu’il écrit  que personne « ne serait de nature assez adamantine pour persévérer dans la Justice et pour avoir le courage de ne pas toucher au bien d’autrui, alors qu’il pourrait prendre sans crainte ce qu’il voudrait sur l’agora, s’introduire dans les maisons pour s’unir à qui lui plairait, tuer les uns, briser les fers des autres et faire tout à son gré, devenu l’égal d’un dieu parmi les hommes ». Par ce mythe de Platon, nous voyons que la Justice est une vertu sociale qui s’oppose à la poursuite forcenée de l’intérêt individuel. Mais ce mythe de Platon est aussi particulièrement pessimiste, car pour lui, ceux qui pratiquent la Justice agissent par impuissance de commettre l’injustice. L’homme, selon ce mythe, ne ferait le Bien que par peur des sanctions, le juste ne saurait par conséquent exister hors de la contrainte.

L’appareil de la Justice doit donc toujours s’accompagner d’une certaine coercition ; ainsi en France, par exemple, quand les gens rentrent dans des tribunaux, ils sont systématiquement fouillés. Les vigiles ont toujours peur qu’une arme à feu ou une arme blanche passe à travers les « mailles du filet » de la Sécurité. La Justice doit donc toujours s’exercer avec une certaine violence tacite. C’est ce que pense également Pascal : « La Justice sans la Force est impuissante, la Force sans la Justice est tyrannique ». Il n’y a pas de justice possible, sans le soutien de la Force, car sinon la Justice serait contredite par la méchanceté humaine. La Justice ne peut pas se défendre par elle-même ; il y a nécessité du recours à la Force (par exemple, il faut une Force de police pour punir ceux qui contreviennent aux lois). Cependant la Force en elle-même présente toujours une certaine brutalité, en contradiction directe avec l’Idéal de la Justice (ainsi, il arrive assez régulièrement que les forces de police abusent de leur pouvoir de répression).

Quatrième argument : La Justice est bien une mystification, car si les lois sont toujours légales, elles ne sont pas toujours forcément légitimes.

Ce qui est légal, en effet, n’est pas forcément légitime. Ce qui est légal, c’est simplement ce qui est en conformité avec les textes juridiques. Ce qui est légitime, c’est par contre  ce qui est en conformité avec la Raison et la Morale.  Et de même qu’il faut différencier légalité et légitimité, il faut aussi distinguer « droit positif » et « droit naturel ». Le droit positif est le droit correspondant à la légalité dans les différents codes (code pénal, code civil…) ; quant au droit naturel, c’est le droit idéal correspondant à la Raison et à la Morale. Ainsi Antigone, dans le mythe grec veut enterrer son frère Polynice (droit naturel, légitimité de la requête liée au lien du sang qui unit normalement un frère et une sœur) alors que son oncle, le roi Créon le lui défend au nom du droit de la Cité (selon le droit positif de la cité, donc selon la légalité, celui qui contrevient à l’ordre public n’a pas droit à une sépulture). Il arrive donc que le droit positif s’oppose au droit naturel, par conséquent légalité et légitimité ne coïncident pas forcément. Ce n’est pas parce qu’une loi est légale qu’elle est juste. De tout ceci, l’on peut donc tirer la conclusion suivante : Il ne suffit pas de se conformer aux lois pour être juste.

DEUXIEME PARTIE : DE TOUTE MANIERE ; MALGRE CES DIFFICULTES CONCRETES, IL FAUT BIEN QUE LA JUSTICE SOIT INSITUTIONNALISEE, CAR SINON CE SERAIT LE CHAOS.

Premier argument : Les hommes ne font pas le Bien d’eux-mêmes, il leur faut donc une Justice institutionnalisée par des lois, des codes et des magistrats chargés de les faire appliquer.

Et l’un des aspects de la Justice, comme le souligna Aristote dans l’Ethique à Nicomaque, c’est qu’elle est répressive. Ainsi le juste est ce qui est susceptible de créer ou de sauvegarder en totalité ou en partie, l’harmonie de la communauté par des sanctions attribuées à celui ou celle qui enfreint la loi.

L’injustice précise Aristote, est  en effet, en général doublement répréhensible :

  • L’injustice lèse Autrui.
  • L’injustice va à l’encontre de l’intérêt général (égalité de droits rompue entre citoyens)

Or, la Justice en tant qu’Institution organisée, est une force de répression ayant pour but de rétablir l’égalité entre les citoyens. Mais pourquoi l’injustice rompt-elle l’égalité de droits entre citoyens se demande Aristote ? En faisant une injustice (par exemple, quelqu’un se permet de frapper un autre citoyen), c’est comme si un citoyen s’attribuait plus de droits qu’il n’en a, c’est comme si quelque part quelqu’un se sentait supérieur en droits vis à vis d’autrui. Cependant, il ne faut qu’aucun citoyen ne se sente supérieur à un autre et ne se permette des actions nuisibles sur lui. Car quand un individu donne un coup qu’un autre reçoit ; entre le dommage et le délit, il n’y a aucun rapport d’égalité. Le juge tâche de remédier à cette inégalité en réduisant l’avantage obtenu par une sanction. Et la justice répressive ou corrective, nous dit Aristote doit être le juste milieu entre la perte de l’un et le gain de l’autre. La justice, en tant qu’elle est répressive ou corrective permet donc de préserver l’égalité de droits entre les citoyens, et par conséquent, elle contribue au maintien de la concorde sociale.

Deuxième argument : Le Juste est aussi ce qui garantit la bonne marche dans les échanges, c’est le deuxième aspect de la Justice qu’Aristote souligne dans le livre 5 de l’Ethique à Nicomaque : la justice commutative.

La justice commutative est en quelque sorte une proportion : un échange est juste lorsque les deux termes échangés ont sensiblement la même valeur. Dans la Justice, au niveau des échanges, il y a l’idée d’une exactitude mathématique (il doit y avoir respect rigoureux des droits de chacun : entre celui qui vend et celui qui achète). De cet aspect de la justice, on a tiré le symbole de celle-ci : la Justice symboliquement est représentée par une balance avec deux plateaux en équilibre.

La justice commutative s’oppose à l’impérialisme des tendances égoïstes, car sinon tout vendeur serait tenté de faire un profit abusif en attribuant une valeur bien supérieure à ce qu’il vend. La justice commutative fonctionne sur le principe : « A chacun la même chose ». En régulant les échanges, la Justice en tant qu’institution  participe concrètement à l’égalité de droits entre citoyens.

Troisième argument : La justice n’est pas qu’une mystification quand elle est aussi distributive par un autre aspect. C’est le troisième aspect de la justice souligné par Aristote dans le livre 5 de l’Ethique à Nicomaque. La justice distributive fonctionne selon le principe : « A chacun son dû », autrement dit, « à chacun selon son mérite ». Ainsi un professeur, par exemple, note ses élèves selon le principe de la justice distributive, car l’enseignant ne doit pas donner la même note à tout le monde, mais doit valoriser les meilleurs élèves par des notes élevées, et sanctionner les mauvais élèves par une basse notation. Il serait, en effet, injuste de distribuer des rétributions égales à des hommes inégaux.

Donner la même chose à tout le monde, c’est la dérive démagogique de l’égalitarisme.  L’égalité dans une République doit, en effet, porter sur les droits et pas sur les biens. Pourquoi ne pas donner à tous la même chose ? (par exemple, au niveau du travail). Parce que l’homme a besoin d’émulation ; il y a par ailleurs une nécessité de la hiérarchie dans la vie en société. Cependant, dire que tout le monde ne doit pas avoir le même niveau de vie, ne signifie pas qu’il faut qu’il y ait de trop grandes inégalités, uniquement des différences. Par contre, pour qu’il y ait une Justice effective, il faut une stricte égalité de droits entre citoyens, car il faut normalement donner à tous la même chance afin de préserver la liberté de chacun. On reconnaît d’ailleurs une société juste à sa mobilité sociale, (possibilité pour un citoyen de s’élever dans l’échelle sociale) ; et à ce qu’il n’y ait pas trop d’écarts de niveau de vie entre les différentes classes sociales.

Récapitulation :

  • La Justice régule les rapports entre les citoyens.
  • La Justice met de l’ordre dans les échanges (aspect commutatif)
  • La Justice condamne la nuisance à autrui (aspect correctif)
  • Etre juste, ce n’est pas seulement obéir à la loi. Pour être juste, il faut toujours considérer l’autre comme une fin en soi.
  • La justice ne peut exister sans l’égalité de droits.
  • Cela ne suppose pas pour autant l’égalité des biens (aspect distributif) (sinon, si on donne à tous la même chose, c’est la dérive de l’égalitarisme).

Tout ceci sont des points de définition idéale de la Justice, mais dans les faits réellement concrets, pour que la Justice ne soit pas une mystification, il faut se donner certains moyens.

TROISIEME PARTIE : POUR QUE LA JUSTICE NE SOIT PAS UNE MYSTIFICATION, IL FAUT SE DONNER CERTAINS MOYENS.

Premier argument : Pour que la Justice ne soit pas une mystification, il faudrait que les lois soient faites par un homme d’une extrême intégrité.

Il faut que le législateur soit vertueux afin de servir l’intérêt général. C’est notamment ce que montre Rousseau dans le Contrat social, dans son chapitre consacré au législateur. La loi que doit instituer le législateur doit être générale : « La loi peut bien statuer qu’il y aura des privilèges ; mais elle n’en peut donner nommément à personne ». Par exemple, la loi peut stipuler qu’il y aura des concours administratifs de différentes catégories avec des rétributions plus ou moins élevées, mais dans une République juste, les emplois administratifs ne doivent pas être attribués à l’avance à untel ou untel, il doit y avoir un libre et égal accès aux tâches administratives. La loi doit être générale, c’est-à-dire  qu’elle ne doit jamais désigner un individu en particulier.

L’objet de la Loi est le Peuple. Aussi, idéalement, le Peuple en devrait être l’auteur. « Mais comment une multitude  aveugle, nous dit Rousseau, qui souvent, ne sait pas ce qu’elle veut, parce qu’elle sait rarement ce qui lui est bon, exécuterait-elle d’elle-même une entreprise aussi grande, aussi difficile qu’un système de législation ? » C’est pourquoi nous précise Rousseau, il faut garantir la loi des séductions de la volonté particulière. Aussi Rousseau déclare : « Il faudrait des Dieux pour donner des lois aux hommes ». Le législateur est donc un homme extraordinaire dans l’Etat, d’autant plus que celui qui commande aux Lois ne doit pas commander aux hommes. Il y a donc deux choses dans l’ouvrage de la législation :

  • Une entreprise qui est au-dessus de la force humaine.
  • Une Autorité qui n’est rien. (c’est-à-dire que le législateur n’a aucun pouvoir réel)

Si le législateur est un homme idéaliste et vertueux, alors il pourra donner au Peuple des lois justes.

Deuxième argument : Pour que la Justice ne soit pas une mystification ; il faut que la loi (qui est toujours générale) s’adapte aux cas particuliers.

Adapter la loi qui est générale aux cas particuliers, c’est normalement ce que doit faire tout magistrat qui doit rendre un jugement.  C’est la définition même de l’équité (notamment aussi dans l’Ethique à Nicomaque d’Aristote). Voici ce que nous précise entre autre Aristote : « Il y a identité du juste et de l’équitable, et tous deux sont bons, bien que l’équitable soit le meilleur des deux ». L’équitable est encore supérieur au juste il prend en compte les particularités de chaque cas à examiner. Par exemple, lors d’un jugement aux Assises, il faut voir si le coupable a des circonstances atténuantes qui peuvent expliquer son geste. L’équitable est donc le correctif de la justice légale.

Pourquoi faut-il adapter la loi aux cas particuliers ? se demande Aristote : « la raison  en est que la loi est toujours quelque chose de général, et qu’il y a des cas d’espèce pour lesquels il n’est pas possible de poser un énoncé général qui s’y applique avec rectitude ». La loi, en effet, ne prend en considération que les cas les plus fréquents, le législateur ne peut pas tout prévoir. La loi est donc faillible sur ce point ; la faute ne tient pas à la Loi, ni au législateur, mais à la nature même des choses (il y a une infinité de circonstances particulières qui interviennent dans la logique des crimes et délits). Les juges doivent donc se faire les interprètes de la Loi : « Telle est la nature de l’équitable : c’est d’être un correctif de la loi, là où la Loi a manqué de statuer à cause de sa généralité ». Un juge ne doit donc pas seulement être juste, il doit être équitable, c’est-à-dire juger en connaissance de cause.

Troisième argument : Pour ne pas confondre justice et vengeance, il faut aussi que celui qui juge soit un tiers extérieur au conflit, un tiers impartial et désintéressé, et investi d’une puissance sociale telle que sa sentence soit nécessairement appliquée.  Prenons un exemple pour illustrer ceci, le fameux jugement du roi Salomon. Deux femmes se présentent au roi Salomon et lui disent toutes deux être la mère d’un petit garçon. Or, bien évidemment, l’enfant n’a qu’une seule mère. Les deux femmes sont en dispute depuis que l’une d’elles ayant perdu son nouveau-né, a subtilisé l’enfant de l’autre mère. Le roi Salomon, au premier examen n’arrive pas à discerner le vrai du faux, aussi a-t-il recours  à une ruse, et il déclare : « Que l’on coupe l’enfant en deux ! » L’une des femmes s’exclame qu’il en soit ainsi, tandis que l’autre hurle : «  Ne faites pas une chose pareille ! Donnez-le à l’autre ! » La femme qui applaudit à la sentence est forcément la voleuse, tandis que la vraie mère est celle évidemment qui souhaite que l’enfant reste en vie ! Cette histoire célèbre montre la nécessité d’un tiers pour partager les deux parties en présence, car la justice ne saurait être assimilée à une vengeance où seule trône la loi du talion qui décrète « Œil pour œil ! Dent pour dent ! »

Quatrième argument : Une autre nécessité pour que la justice ne soit pas une mystification est la séparation des trois pouvoirs : pouvoir législatif (pouvoir de faire les lois), pouvoir exécutif (pouvoir du gouvernement) et pouvoir judiciaire (institution de la Justice). Les régimes dictatoriaux recherchent d’ailleurs a contrario une concentration des pouvoirs. La séparation des trois pouvoirs a été prônée par Aristote, puis par John Locke, reprise par Montesquieu dans De l’Esprit des Lois : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». En France, le pouvoir législatif est confié à un Parlement (Assemblée Nationale, plus Sénat), tandis que le pouvoir exécutif est dévolu au gouvernement sachant que le Premier Ministre et la totalité du gouvernement sont révocables par le Président de la République, le pouvoir judiciaire, quant à lui, est exercé par l’Institution de la Justice. Ainsi Montesquieu dans De L’Esprit des Lois a écrit : « Lorsque dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté … Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance  législative et de l’exécutrice ».  La séparation des trois pouvoirs empêche normalement une collusion des intérêts particuliers toujours en risque de prendre le pas sur l’intérêt général.

Cinquième argument : Pour que la Justice ne soit pas une mystification, il faut aussi un système pénitentiaire adapté. Vidocq dans Considérations Sommaires sur les Prisons, les Bagnes et la Peine de Mort s’est penché sur ce problème. Vidocq constate déjà qu’un des problèmes majeurs du régime pénitentiaire est le fait que l’on mélange toutes sortes de détenus ensemble, les petits comme les gros délinquants. Il y aurait aussi constate Vidocq une nécessité de la rééducation car les détenus appellent leur conscience « la muette », preuve qu’ils n’ont pas de scrupules à commettre des exactions car il leur manque cette fameuse voix intérieure qui nous retient souvent dans nos actes quand ils risquent de devenir immoraux. Enfin, Vidocq remarque que les peines de prison ne doivent pas être trop lourdes pour qu’elles soient efficaces, car dit-il « ôter l’espérance au coupable, l’affaiblir seulement, c’est rendre son repentir inutile ou du moins incertain ». Ces critiques de Vidocq écrites  au XIXème siècle sont malheureusement toujours d’actualité.

Sixième argument : Enfin pour que la Justice ne soit pas une mystification, il ne faut pas trop d’inégalités sociales comme le stipule l’article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, il faut que les individus soient « libres et égaux en droits ». Or, il ne saurait y avoir d’égalité de droits avec des niveaux de vie trop différents entre les citoyens. Quand l’inégalité de rang est trop prononcée, il y a forcément des citoyens plus égaux que d’autres …

 

 

CONCLUSION

Beaucoup de conditions sont donc requises pour que la justice ne soit pas une mystification. La justice est de plus une notion très particulière car elle est à la fois une exigence sociale et une vertu privée, c’est-à-dire que l’on doit idéalement la retrouver à un niveau public, et également à un niveau privé (au sein de chaque individu). Dans l’Antiquité, la vertu de justice était considérée comme l’une des quatre vertus cardinales : la justice  était à cultiver en soi au même titre que la vertu de sagesse, la vertu de tempérance (« Rien de trop ») et la vertu de courage. Cette vertu de justice est nécessaire par exemple pour être une bonne mère ou un bon père, ainsi le  parent accompli ne va pas traiter différemment ses enfants mais les « mettre sur un pied d’égalité ». Le favoritisme est, en effet, l’une des premières marques de l’injustice.

2 réflexions au sujet de « LA JUSTICE N’EST-ELLE QU’UNE MYSTIFICATION ? »

  1. Je voudrais de l’aide sur un sujet s’il vous plait 《L’état peut il recourir à la violence pour instaurer la paix? 》

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